La tête dans le nuage et les pieds sur terre
Le Cloud a le vent en poupe ! Normal, nous direz-vous, pour un nuage… Mais, la météorologie de l’économie n’est pas si simple. Car le Cloud et son cousin le SaaS ont, comme toute technologie, des aspects très lumineux et des côtés sombres. Simplement, les solutions SaaS-Cloud sont particulièrement bien adaptées aux caractéristiques de l’économie de notre temps : changeante, instable, mouvante, imprédictible, frugale. A condition d’en tirer le meilleur, et de faire en sorte qu’elles soient vraiment acceptées dans l’entreprise.
Le Cloud et l’agilité
Choisir une solution d’ERP en SaaS sur le Cloud, c’est choisir l’agilité. Un tel choix s’inscrit d’ailleurs dans une tendance de fond de notre société actuelle : le choix de l’économie d’usage plutôt que de l’économie de possession. De quoi s’agit-il ? Tout simplement de préférer louer plutôt qu’acheter, pour un service en général meilleur et un “coût global d’usage” généralement inférieur au “coût global de possession” d’une solution équivalente en pleine propriété.
Les habitués de la location savent bien la souplesse que cela leur procure. Toujours au top, puisque protégé de l’obsolescence par le seul fait que la location ne lie pas à vie. Libérés des soucis de maintenance, puisque c’est généralement le “propriétaire” qui a en charge de maintenir en état son bien, pour qu’il reste “louable”. Et surtout, aptes à s’adapter en fonction de l’évolution de leurs besoins. Qui peut prédire que ceux-ci seront les mêmes dans deux, trois ou cinq ans ?
Ce qui est vrai pour la location de voiture, de bateau, de résidence de vacances, de téléphone voire, aujourd’hui de vêtements ou de gros électroménager, est bien évidemment vrai de la location de solutions d’ERP, et plus globalement de systèmes de traitement de l’information. Le mode SaaS présente les mêmes garanties de souplesse que la location de biens. En matière de coût, outre l’intérêt en trésorerie, le coût global sur du moyen ou du long terme est totalement prédictible, contrairement à un achat auquel il faudra ajouter des coûts d’adaptation souvent difficilement identifiables.
Le Cloud ajoute à la souplesse dans le temps la souplesse dans l’espace. Où que vous soyez, pour peu que vous disposiez d’une liaison Internet — c’est-à-dire à peu près partout dans le monde où l’on est susceptible de faire des affaires —, vous avez accès à votre système d’information. Les habitués du nomadisme, utilisateurs réguliers d’iPad, smartphones ou laptops pour leur travail, mesurent quotidiennement l’intérêt de disposer, sur tous leurs supports, d’un accès au même système de données, dont ils ne se soucient plus de savoir où il est physiquement localisé.
Dans une économie aussi mouvante qu’aujourd’hui, cette agilité est un atout considérable. Nous ne vivons pas une crise, mais une mutation. Mutation engendrée par l’explosion démographique, par le rétrécissement extraordinaire de notre planète au cours des cinquante dernières années, d’abord grâce aux transports de personnes et de marchandises, aujourd’hui grâce au transport de données, par l’accélération fantastique des (r)évolutions technologiques. La seule certitude dans cette mutation, c’est que ceux qui prédisent l’avenir se trompent ! Les erreurs systématiques des prévisions économiques au cours de ces dix dernières années suffisent à le rappeler, pour peu que l’on n’ait pas la mémoire trop courte.
Dans un tel contexte, l’agilité en terme de stratégie et de management est vitale. Ceux qui sortiront de cette période de mutation en tête de peloton ne seront pas ceux qui auront le mieux prédit le futur : ce serait peine perdue. Ce seront ceux qui auront mieux su s’adapter en permanence à leur présent. Car le futur devient très vite un présent, plein de surprises et d’opportunités à saisir. Comment mettre en place une stratégie et un management agiles, s’ils ne sont pas appuyés sur un système d’information lui-même souple et adaptable ?
Alors, le SaaS et le Cloud, la panacée pour sortir en tête de cette mutation économique, sociale et sociétale ?
Le Cloud et l’acceptabilité du changement
Ce n’est malheureusement pas tout-à-fait aussi simple. Toute médaille a son revers, et les systèmes d’information SaaS n’échappent pas à cette règle.
Le premier point sombre est commun à toute l’économie d’usage. Celle-ci nous prive du plaisir de la possession. Or, si la propriété individuelle s’est à ce point développée au cours des siècles, et si les économies collectivistes ont toutes montré leur inadéquation à travers leurs échecs plus ou moins cuisants, ce n’est probablement pas pour rien. La sécurité et la liberté font partie des besoins fondamentaux de l’être humain, et la propriété réussit l’exploit de satisfaire ces deux aspirations, pourtant souvent contradictoires : la liberté, parce que vous pouvez faire ce que vous voulez de ce qui vous appartient ; la sécurité, parce que c’est à vous et ça ne vous manquera donc jamais !
Cette dimension, dont les ressorts sont psychologiques, ne doit pas être totalement négligée en matière de système d’information. Il peut y avoir une certaine fierté des collaborateurs d’une entreprise à “posséder” un “gros” système d’information, moderne, performant, connu sur le marché. J’ai rencontré souvent, dans mes formations ou mes accompagnements, des cadres me disant fièrement : nous venons d’installer SAP, c’est la preuve que notre entreprise est “grande et solide”…
Mais ce n’est pas le point majeur. Celui-ci réside plutôt dans un paradoxe. Le SaaS, c’est la garantie d’une certaine agilité. Mais c’est en même temps un manque de souplesse manifeste. Vous n’êtes plus propriétaire de votre système, et vous ne pouvez donc plus en faire tout ce que vous voulez ! Vous devez accepter que le système réponde d’une façon somme toute assez standardisée aux besoins de milliers d’entreprises similaires à la vôtre. Economie d’usage et mutualisation ont des caractéristiques communes. Elles marchent parce qu’on accepte de partager, de négocier, de tenir compte des besoins du plus grand nombre…
En matière d’ERP, cette dimension, inhérente au SaaS, a des conséquences très concrètes en termes de customisation. Il n’est plus question d’ajouter au système ses extensions très spécifiques, qui en feront un vrai produit “rien qu’à nous”. Les gains en agilité que procurent SaaS et Cloud ne demeurent vrais que si on reste dans le flux commun, et qu’on s’adapte donc au mieux aux outils tels qu’ils sont proposés. Trouver les bonnes adaptations aux besoins d’une multitude d’utilisateurs devient le problème du fournisseur. A lui d’y répondre au mieux. Cette absence de customisation oblige d’abord, bien sûr, les “installateurs” de solutions à adapter leur modèle économique : les sociétés de service informatique faisaient naguère leur profits sur toutes les extensions qu’elles proposaient à leurs clients, au-dessus du logiciel vendu par l’éditeur. Les sociétés qui se spécialisent dans l’installation de solutions SaaS d’éditeurs tiers doivent remplacer cette manne par une qualité de service accrue, susceptible de fidéliser le client, qui n’est plus “prisonnier” de développements spécifiques dans lesquels il aurait investi. C’est pour les clients à ranger au rayon des bénéfices collatéraux !
En revanche, les personnes de l’entreprise y perdent un moyen de s’approprier graduellement le système. Car la customisation permettait d’une part de minimiser les modifications à apporter aux processus de l’entreprise, d’autre part de donner l’impression aux utilisateurs que c’était bien leur façon d’exercer leur métier qu’on automatisait peu ou prou, et non une façon standardisée à laquelle ils devraient s’adapter : on adapte l’outil à la façon dont vous travaillez. Quelque illusoire qu’ait été cette impression, elle a souvent été utilisée par les pilotes d’un projet ERP pour diminuer les résistances des futurs utilisateurs. Or, même s’il existe encore une paramétrisation des outils SaaS pour prendre en compte les caractéristiques spécifiques d’une entreprise, les marges de manœuvre sont moindres que celles qu’offrait le développement d’outils spécifiques d’interface, du moins si on veut tirer le meilleur parti du choix du Cloud.
Il faut donc accompagner la mise en place de tels outils par un véritable travail de management, d’accompagnement du changement, pour canaliser et diminuer les résistances. Mais finalement, là encore, l’entreprise qui choisit le Cloud est gagnante. Car ce travail d’accompagnement, par le management, est une occasion unique de faire progresser l’ensemble de l’entreprise. A l’instar d’une démarche Qualité, il permet en effet de s’interroger sur le bien fondé de certaines habitudes, de les remettre en perspective et d’en conserver seulement les meilleures pratiques, celles en générale sur lesquelles se sont appuyés les éditeurs de logiciel pour spécifier leurs outils !
Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge.
L’idée d’écrire un article sur ce thème nous a été soufflée par notre partenaire Ubister, avec qui nous travaillons depuis un an. Les problématiques qu’Ubister a l’occasion de rencontrer chez ses clients rappellent, s’il en était besoin, que la mise en œuvre d’un ERP, fût-il sur le Cloud, est un acte fort de management.
Ubister installe des ERP en mode SaaS. Ses clients sont des entreprises en pleine croissance, multi-sites, et tournées vers l’international : un profil spécifique d’entreprises, dynamiques, ouvertes, mais aussi complexes, le type d’entreprises où le management passe plus par l’humain que par les procédures établies. Exactement le type d’entreprises qu’à J2-Reliance, nous prenons plaisir à accompagner, et qui, si nous en croyons les feed-backs de nos clients, tirent profit d’un accompagnement managérial dans leur développement.
Pour mieux prendre en compte les besoins de nos lecteurs anglophones, nous avons maintenant décidé de publier un article par mois en version bilingue. Cet article est donc également disponible en anglais.