Du bon usage du télétravail
L’histoire ne se répète pas. Mais ceux qui savent tirer les leçons de leurs difficultés présentes sont généralement mieux préparés que les autres pour affronter les suivantes.
Petit retour en arrière : il y a près de dix ans, à l’automne 2009, les craintes autour de la pandémie de grippe H1N1 avaient suscité des débats sur l’intérêt du télétravail pour faire face à ce type de situation. Parmi les quelques rares à tester la démarche, le Conseil général du Finistère avait engagé une expérimentation dans ce domaine : notre cabinet avait été choisi pour l’accompagner. Le bilan de cette expérience, très positif, avait été salué en juin 2011 par un premier prix au concours du grand prix du management public dans la catégorie « Management durable ».
Mais une fois la pandémie oubliée, combien d’autres entreprises ou administrations ont-elles fait le choix du télétravail ? Bien peu en réalité : changer, c’est accepter de quitter sa zone de confort ! Personne n’aime vraiment ça ! Alors, on a continué à parler du télétravail sans vraiment le pratiquer… Jusqu’à ce que la pandémie de COVID19 n’impose pratiquement à tous ce mode de travail, dans l’urgence et l’impréparation.
Autant dire que les quelques entreprises qui, depuis dix, avaient opté pour une part de télétravail étaient bien mieux préparées que les autres à faire face à la situation.
La sagesse voudrait que chacun en tire des leçons et introduise au moins une part de télétravail dans ses fonctionnements actuels. Pas n’importe comment, bien sûr. Mais de tel sorte que l’on puisse en retirer tous les bienfaits tout en limitant ses effets contre-productifs.
Pour tout ceux qui prendront cette option, nous avons décidé de republier un article que nous avions écrit sur le sujet en 2009, et qui n’a rien perdu de sa pertinence. Il vous donnera les premières pistes pour un télétravail réussi. Le voici :
Sommet de Copenhague ou menace de pandémie dont on a quelque difficulté à apprécier la pertinence, l’actualité remet au goût du jour les réflexions sur le télétravail.
Une enquête réalisée en 2004 estimait le nombre de salariés français pratiquant le télétravail à 7 % des effectifs. Mais ils étaient en réalité seulement 2 % à travailler « à domicile ». Bien peu, quoi qu’il en soit, en comparaison des 25 % d’Américains ou de Hollandais qui avaient opté, dès 2002, pour ce nouveau mode de fonctionnement.
Un intérêt économique …
Pourtant, le télétravail n’est pas qu’une façon de réduire l’empreinte carbone — en limitant les déplacements — ou d’éviter les risques de contagion en période hivernale. Outre l’intérêt que ce mode de fonctionnement présente pour les salariés — plus de temps pour la vie de famille, moins de stress et une réduction notable des frais de transport — la démarche peut être tout aussi pertinente pour les entreprises : réduction des absences pour maladies ou garde d’enfants, économies de frais de déplacements, gains en surfaces de bureaux… et amélioration de la productivité !
Des mutations à réussir
Encore faut-il réussir les mutations nécessaires à la fois pour la structure et pour les individus, sans se contenter d’une approche “technologique” des choses. Car au-delà des outils informatiques et de télécommunications qui sont indispensables, la démarche nécessite la mise en place de nouveaux modes d’organisation — à la fois pour l’entreprise et pour ses salariés — et de nouvelles façons de manager.
Le travail à distance induit en effet une rupture dans l’organisation et dans les rapports humains. Cette rupture touche non seulement le télétravailleur et sa hiérarchie, mais aussi ses collègues. Il faut la gérer sur les plans humain, organisationnel et “systémique”. Humain parce que, au-delà des premiers gains évoqués plus haut, la transition vers un mode de travail plus “solitaire” n’est pas forcément facile. Organisationnel, parce que manager une équipe incluant des télétravailleurs suppose d’organiser le travail en conséquence. Systémique, parce que préserver le lien des télétravailleurs avec le collectif de l’entreprise est un enjeu majeur pour la réussite de l’opération. Il s’agit, en quelque sorte, de garantir — à distance —, la visibilité et la “présence” du télétravailleur, pour sa hiérarchie, pour ses collègues, pour ses pairs, bref, pour l’entreprise.
Réussir la mutation vers une entreprise plus “répartie” — on peut nommer ainsi la coexistence de télétravail et de travail “présentiel” — suppose aussi d’apprendre à travailler autrement en matière d’intelligence collective. Remplacer la richesse des échanges informels liés aux rencontres au sein de l’entreprise est aussi un enjeu économique : que de petites difficultés sont aplanies tous les jours autour de la machine à café, sans qu’on s’en rende même compte !
L’évolution de la culture d’entreprise
Le travail à distance implique en filigrane une mutation — plus ou moins forte en fonction de la culture d’entreprise — vers une véritable gestion par objectifs. Renforçant l’autonomie et l’esprit d’initiative des salariés, il est aussi l’occasion d’expérimenter de nouvelles formes de fonctionnement comme les réseaux collaboratifs, propices à l’innovation et souvent porteurs de véritables “challenges” pour le management : des façons de faire que l’on peut “capitaliser” au sein de l’entreprise et qui vont permettre peu à peu de faire évoluer l’ensemble des pratiques.
Bref, le télétravail, ce n’est pas seulement “transporter son bureau à la maison”, même si, au début, cela y ressemble. Sur la durée, son adoption, même partielle, nécessite et favorise, tout à la fois, une véritable évolution culturelle de l’entreprise : la réussir, n’est-ce pas se positionner d’emblée pour faire face aux défis du XXIe siècle ?