2011 : le pari de la confiance ?
Il peut sembler un peu fou de proposer un tel pari dans le contexte actuel. Si le mot “confiance” apparait si souvent dans les médias aujourd’hui, c’est plus souvent pour déplorer sa perte que pour suggérer de parier sur elle ! Et pourtant …
Un constat délétère
Depuis la parution de l’opuscule de Pierre Cahuc et Yann Algan en 2007, “la société de défiance”, les choses ne se sont pas améliorées : les français confirment leur place dans le peloton de tête de ceux qui se méfient des autres. Ainsi, l’enquête sur les classes moyennes réalisée en 2010 pour le compte de la Fondation pour l’Innovation Politique montre que seuls les maires échappent à la méfiance de leurs concitoyens : seulement 37% ne leur font pas confiance, alors qu’ils sont 58% à se méfier des chefs d’entreprises, 64% des syndicats, 79% des autorités religieuses et … 89% des partis politiques !
Quant à la confiance dans l’avenir, le sondage “Voice of the people” publié en janvier par le Parisien classait les Français dans le top 5 des pessimistes au niveau mondial.
La confiance, un ciment vital de nos sociétés
Et pourtant, la plupart de ceux qui réfléchissent sur nos sociétés, qu’ils soient économistes, sociologues ou philosophes, s’ils divergent sur les causes de cette défiance, sont d’accord sur un point : sans confiance, nos sociétés seraient, au sens littéral du terme, invivables. Pour Michela Marzanno (Le contrat de défiance), “Sans la confiance entre les individus, c’est toute notre société qui s’écroule.” Son livre dont je ne partage pas toutes les affirmations — en particulier celle qui fait porter à Adam Smith la “faute originelle” du développement de la défiance — présente l’immense mérite de nous montrer à quel point la question de la confiance innerve tous les aspects de notre vie, de nos rapports avec notre médecin à nos relations professionnelles, de nos rapports amoureux à nos relations d’apprentissage.
Il y a presque quarante ans, Niklas Luhmann, sociologue allemand, un des très rares à avoir tenté une approche “théorique“ de la confiance, y voyait “un mécanisme de réduction de la complexité sociale”. Notre société mondialisée, de plus en plus complexe, aurait bien du mal à se passer d’un tel mécanisme !
La confiance, facteur de compétitivité des entreprises
De façon très concrète et très pragmatique, la confiance semble aussi être un élément de compétitivité des entreprises. Le “leadership forecast 2003-2004”, étude internationale menée par le cabinet DDI, montrait une claire corrélation entre le niveau de confiance accordé aux managers et la productivité des équipes. Inquiétant, la dernière édition du “leadership forecast” (2008-2009) montre une baisse régulière de ce niveau de confiance depuis 1999 !
Cela signifie-t-il que le “cercle vicieux“ est définitivement bouclé : perte de confiance dans l’avenir (parce que les perspectives économiques sont plutôt grises) → perte de confiance dans les leaders, y compris dans l’entreprise → baisse de productivité et d’efficacité des entreprises → perspectives économiques de plus en plus grises → perte de confiance dans l’avenir → etc. ?
Si l’on ne voit pas très bien comment agir de façon globale pour restaurer (ou créer) à court terme une véritable “société de confiance” telle que l’appelait de ses vœux Alain Peyrefitte ou, plus récemment, Jean-Philippe Delsol, ne peut-on espérer développer des “ilots de confiance”, dans lesquels on pourra conjuguer performance économique et qualité des relations humaines ?
La confiance, un pari
La confiance ne se mérite pas, elle se donne. C’est un des principaux points que met en évidence Michela Marzano. Mais on peut créer des conditions qui facilitent ce don. Pour ce qui concerne le monde de l’entreprise, quinze ans d’accompagnement d’entreprises de tailles et de domaines d’activité très variés nous ont montré que quatre conditions sortent du lot :
1-Partager des valeurs clairement explicitées : sans grille de lecture” commune, je ne peux pas faire confiance …
2-S’intégrer dans des “réseaux de confiance” : mais oui, cela existe, comme le montre quotidiennement Produit en Bretagne !
3-Baser le management sur la confiance : si, en tant que manager, je “fais confiance”, j’ai plus de chance de la trouver au rendez-vous …
4-Inscrire l’entreprise dans son territoire : on peut être “de quelque part” tout en étant complètement ouvert sur le monde, et le lien avec le territoire (au sens géographique et culturel) est aussi nécessaire à l’être humain qu’il ne l’était à l’animal que nous fûmes !
Churchill disait : “un pessimiste voit les difficultés dans chaque opportunité, un optimiste voit des opportunités dans chaque difficulté”. J’ajouterais immodestement : le pessimisme (comme la béatitude, d’ailleurs !) est un état, l’optimisme, comme la confiance, une volonté !
Alors, dans l’environnement morose de début d’année, osons, dans nos entreprises, faire le pari de la confiance. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des pistes pour rendre ce pari réaliste !
Jacques Arnol-Stéphan réalise des conférences, des séminaires et des formations sur “la confiance, facteur de compétitivité des entreprises”
Pour poursuivre la réflexion sur la confiance : A propos de confiance